CÉLINE - La Baleine

Passez votre main sur son dos. Sentez ces milliers de petits reliefs, comme des bulles d'air figées dans le temps. Écoutez le silence vibrant de cet océan miniature. Céline porte en elle l'immensité des fonds marins, le murmure des grandes migrations, la douceur salée d'un souffle géant.

Ce matin de mai, la brume s'accrochait aux fenêtres. J'ai pris une masse d'argile blanche entre mes paumes. Lourde. Humide. Vivante.

Mes doigts ont commencé leur danse. Pas de tour cette fois. Juste mes mains et cette terre qui voulait devenir océan. J'ai sculpté son corps massif, creusé son ventre avec la mirette. Le son de l'outil dans l'argile... comme un clapotis lointain. Puis l'ébauchoir a dessiné chaque sillon, chaque ride de sa peau ancienne. Quatre heures et demie à façonner cette géante des profondeurs.

Le plus délicat ? Ouvrir son corps pour le vider. Mes mains tremblaient. Cette baleine portait déjà tant d'histoires... J'ai refermé ses flancs avec la tendresse qu'on réserve aux blessures qui guérissent.

L'émail Caribbean Blue... Je l'ai appliqué au pinceau, caresse après caresse. Chaque coup de pinceau reproduisait le mouvement de l'eau sur sa peau. Les picots sont apparus sous mes doigts comme des barnacles miniatures. Cette texture rugueuse qui contraste avec la brillance de l'émail... Elle raconte les voyages, les tempêtes traversées, la beauté des cicatrices.

Après trois jours de cuisson et d'attente, j'ai ouvert le four. Cette odeur de terre transformée... Céline était là. 650 grammes de sérénité océanique. Quand je la soulève, je sens encore le poids de l'eau qu'elle a traversée dans mes rêves.